Les dangers de l’automédication

Médecine Complémentaire
Les dangers de l’automédication - Bimaristen

بسم الله الرحمن الرحيم

 

▪️ Qu’est-ce que l’automédication ?

Définition :

L’automédication est le fait de prendre un médicament sans passer par l’avis d’un médecin.

 

▪️ Pourquoi la prescription de médicament est réservée à un groupe de personne ?

La prescription est une vraie science.

Il faut savoir que l’étude de la médecine est quelque chose de long. La longueur de ces études est très liée à la complexité du corps humain d’une part, et d’autre part à l’importance et au nombre des paramètres à prendre en compte pour traiter les malades de manière efficace, mais surtout la plus sécurisée possible.

Cette complexité est telle qu’il existe même des traitements que seuls certains spécialistes sont habilités à prescrire en dehors des autres médecins, et que certains pays interdisent catégoriquement l’utilisation de certains traitements étant donné les effets secondaires fréquents et les abus rencontrés avec ces traitements.

 

▪️ Le fait de conseiller par rapport à son expérience personnelle.

Nous voyons souvent des patients ayant subi les effets secondaires de traitements conseillés par des proches. C’est rare mais même un doliprane peut être dangereux, si la personne présente un problème au foie.

Donc il faut faire très attention en cas de maladie chronique.

 

Les personnes qui conseillent, de manière bienveillante mais sans connaissance, font souvent de leur cas une généralité : elles ont trouvé un bénéfice à un traitement prescrit par un médecin et le conseillent, sans prendre soin de connaître le diagnostic précis du malade, ni la présence éventuelle de contre-indications.

 

Quelqu’un qui conseille un anti-inflammatoire ne pense pas forcément à préciser le moment, la dose ou la durée à respecter, et la personne peut voir sa maladie s’aggraver (exemple de certaines infections de la peau aggravées par les anti-inflammatoires) ou avoir un effet secondaire important (exemple de l’ulcère de l’estomac).

Donc dans tous les cas, la prise d’un médicament sans avis doit être extrêmement courte.

Médicalement, cela peut entrainer des effets néfastes.

 

De plus, cette automédication va parfois rendre difficile la prise en charge médicale ultérieure comme dans les infections bactériennes par exemple, qui nécessitent une analyse, mais si un antibiotique est pris avant l’analyse, cela peut fausser les résultats.

 

▪️ Et religieusement ?

  • Question posée à notre cheykh ‘Ali Moussa hafidhahou Allah : 

Celui qui prend un remède ou le conseille (quelqu’un) sans être médecin, et cela a entrainé des effets secondaires sans les bénéfices escomptés, commet-il un péché ? 

Réponse : S’il prétend (avoir une connaissance) médicale et qu’il n’en a pas la compétence, qu’il ne l’a pas étudié, qu’un mal survient ou un homicide, alors à ce moment, il doit la fidya (expiation), et il commet un péché par cela. Car il s’occupe de ce qui ne le concerne pas, et il a fait quelque chose dont il n’a pas la compétence. La personne ne se mêle pas de quelque chose qui n’est pas de sa spécialité…¹

 

  • Le messager d’Allah ﷺ a dit : « celui qui se lance à soigner, et qui n’est pas connu pour soigner, il est responsable »².
  • Cheykh Ibn ‘Outhaymin – rahimahou Allah – explique ce hadith (avec une version proche) en disant : « celui qui soigne : c’est-à-dire qu’il pratique le soin. Et qui n’est pas connu pour soigner : c’est-à-dire connu comme étant un médecin adroit. Et a touché une personne c’est-à-dire qu’il a lésé (le corps) d’une personne), ou moins que cela, comme le fait de léser un membre, ou de blesser, etc. Il est responsable et ceci car il n’est pas autorisé à soigner »³.
  • Cheykh ‘Abdou-l-Mouhsin Al-‘Abbad – hafidhahou Allah – dit dans son explication de sounan Abi Dawoud :

 

« Chapitre de celui qui se lance dans le soin sans science et commet une faute : 

Commet une faute, c’est-à-dire qu’il y a eu un mal par la cause de son remède, car il n’est pas médecin, c’est juste quelqu’un qui se lance dans le soin. Et ce qui est voulu par le fait qu’il soit responsable, car il s’est avancé à quelque chose qu’il ne maîtrise pas, dans lequel il n’est pas compétent.

 

Cela implique que celui qui se lance dans le soin ou soigne autrui étant médecin, il n’est pas responsable si quelque chose arrive par erreur. Ceci car si c’est un excellent médecin et circoncit ou coupe ce qui doit être coupé, et qu’un mal arrive à cause de cela, il n’est pas responsable. Car il coupe ce qui doit être couper, donc si un mal se propage au reste du corps (à partir de cet endroit opéré), son mal qui se propage au reste du corps n’implique pas de représailles. 

Mais s’il coupe le bout de la partie génitale (pas uniquement la peau), alors il est responsable, car il a fait quelque chose qu’il n’est pas permis de faire, et s’est lancé dans quelque chose dans lequel il ne faut pas se lancer, et (le prix du dommage) reviendra à la famille du médecin.

 

Quant à celui qui se lance dans le soin (sans être médecin), il est responsable, qu’il commette une erreur ou qu’il fasse correctement. C’est-à-dire s’il commet une erreur comme le médecin a fait une erreur en coupant ce qu’il n’est pas permis de couper, ou s’il ne fait pas d’erreur, et coupe ce qui doit être coupé, qu’un mal qui se propage au reste du corps arrive, alors il est responsable. Car il s’est lancé dans quelque chose pour lequel il n’est pas compétent.

 

Donc il y a un médecin (tabib) et quelqu’un qui se lance dans le soin (moutatabbib). 

Si le médecin commet une erreur en faisant quelque chose qu’il ne peut pas faire, par erreur, il est responsable, et la responsabilité (du prix des dommages) revient à la famille. Et s’il ne fait pas d’erreur et qu’un mal se propage au reste du corps par son acte, il n’y a rien contre lui.

Quant à celui qui se lance dans le soin alors il est responsable qu’il fasse une erreur ou pas ».

 

▪️ Le cas de la phytothérapie

Les bienfaits des plantes sont reconnus et les malades reviennent de plus en plus à ce moyen de traitement, en particulier en raison du peu d’effets secondaires que présentent les plantes aussi bien à court qu’à long terme. Ceci concerne la majorité des plantes qui sont les plus répandues.

Mais il convient toujours d’être prudent, surtout si on associe plusieurs plantes, que l’on prend déjà des traitements, ou encore si l’on veut cueillir soi-même les plantes.

Certaines personnes qui conseillent, même si c’est toujours avec une grande bienveillance mais sans connaissance des indications, des contre-indications ou des interactions, vont faire de certains cas des généralités. Elles vont se baser sur certains bons résultats sans prendre soin de connaître le diagnostic précis du malade, ses symptômes, ni la présence éventuelle de contre-indications (car oui les plantes ont des contre-indications). 

Tout cela nécessite un interrogatoire détaillé, l’absence de celui-ci montre le manque de compétence de ces personnes même si elles laissent apparaitre le contraire. Et même si des personnes retrouvent trouvent la guérison, guérison qui vient d’Allah, si la méthode est mauvaise, il y a aura tôt ou tard des patients qui subiront les conséquences néfastes de ces manquements.

 

Ibnou-l-Qayyim a évoqué cela en détail dans son livre (« zad al-ma’ad ») et il a notamment cité la parole d’Al-Khattabi rahimahou Allah qui dit :

« Je ne connais pas de divergence sur le fait que si le soignant dépasse les limites causant une lésion au malade, il est responsable. Et celui qui se lance dans une science ou une pratique qu’il ne connait pas, est transgresseur. Si une lésion est causée au malade par son acte, alors il doit s’acquitter du prix des dommages (prix du sang). Il ne subit pas le talion, car il ne s’est pas lancé dans cela sans l’autorisation du malade. Et le crime de celui qui se lance dans le soin revient à sa famille, selon l’avis de l’ensemble des fouqaha (savants de la jurisprudence) ».

 

Et Ibnou-l-Qayyim a évoqué que le terme tabib visé dans le hadith est plus général que ce qui s’est maintenant répandu, c’est-à-dire le fait de spécifier ce terme et le restreindre à un groupe de soignants. Mais il précise que ce terme englobe celui qui traite les gens par la chirurgie, celui qui fait la circoncision, celui qui fait la hijama, la cautérisation, celui qui fait des prescriptions et prodigue des conseils par la parole…

 

Puis Ibnou-l-Qayyim a évoqué ce que le bon médecin, le bon soignant prend en considération pour le traitement qu’il va indiquer, il cite notamment : 

  • le diagnostic (la maladie),
  • la cause de la maladie, 
  • le malade et ses caractéristiques (son état général, son âge, ses habitudes), 
  • la saison, 
  • le pays du malade,
  • les caractéristiques du remède (sa posologie, ses effets secondaires),
  • choisir le remède le plus simple…

C’est vraiment un passage à analyser étant donné la quantité des profits cité par cet imam rahimahou Allah.

 

Cheykh Mouqbil Al-Wadi’i – rahimahou Allah – a dit dans une conférence portant sur la médecine prophétique :

« Donc il convient – O (mes) frères – que nous lisions. Et par Allah j’aimerais lire et tirer profit de la médecine, et j’ai d’ailleurs essayé mais je n’ai pas réussi. Quant aux jeunes, ils sont capables, s’il y a de nos jeunes qui ne sont pas affabulateurs⁴. La médecine arabe – même à « Najd » et au « Hijaz » (régions d’Arabie Saoudite) – a peut-être été utilisé par certains d’entre eux pour la magie, la tromperie et l’affabulation⁴. Donc, quel grand besoin nous avons de celui qui étudie les plantes, les aliments, et qui conseille ses frères, les musulmans, dans ce domaine. »

 

والله أعلم

 

  1. https://t.me/ibnAbdelaziz/41462
  2. Hadith rapporté par Abou Dawoud dans ses sounan 4586, jugé hasan par Al-Albani dans sahiha 635
  3. https://www.alathar.net/home/esound/index.php?op=codevi&coid=33653
  4. Définition du terme affabulateur tirée du larousse : personne qui transforme la réalité, construit des récits purement imaginaires